Prologue
20 ans plus tard
« J’ai besoin de sang » me dit-elle mais je la connais la ritournelle, la petite chanson des nécessiteux qui, les yeux dans les yeux, vous engluent l’âme de mélasse et de confiture. Et ensuite, on patauge, les pieds plantés dans la merde, c’est dire la difficulté de tout. Les hommes sont des sirènes, ils chantent de belles choses, de leurs balcons, de leurs points de vue. Ils vous enrobent l’âme comme on bat la viande pour l’attendrir. En quoi un vampire serait-il différent ? Le même sang coule dans les veines mortes des uns et le même sang fait battre le cœur froid des autres.
Bien entendu, comme les humains aux langues doubles, elle me dit : « j’ai besoin de sang », quand je dois entendre « j’ai besoin de ton sang ». Double-langage et double-face, c’est le propre de l’homme, pas seulement le rire, mais la traitrise, les coups de sangs et les horreurs. L’humanité pue, de la tête aux pieds, des origines jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi en serait-il différent pour un vampire ?
Je relève ma manche et lui tend mon bras. Malgré les impacts de balles qui trouent son corps, elle se redressa et vint y planter ses crocs. Le sang passa d’un corps à l’autre, et petit à petit, j’entendis les cliquetis métalliques des balles expulsés de son cadavre et tombant à terre. Quand elle eut assez, elle se décrocha d’elle-même et se releva d’un bond, plongeant ses yeux bleu ciel dans les miens.
« J’ai besoin de sang » m’avait -elle dit, et quand elle eut ce qu’elle voulait, elle partit d’un trait, sautant par la fenêtre, sans un mot, sans un merci.
La soirée venait tout juste de commencer et pourtant j’étais incapable de me souvenir de ce qui m’avait conduit ici, dans cet appartement délabré du centre-ville de Lyon. Où plutôt, pour être tout à fait honnête, il me fallait remonter deux décennies pour retrouver le fil de mon histoire.